Philosophie du pied


ça, c'est le pied

 

 

"De quoi sont les pieds ?" Question étrange, à la limite du bon français à laquelle il faut répondre "les pieds sont l'objet de soins intensifs et constants".

Je ne vous en voudrais pas si cette astuce militaire ne vous fait pas sourire. Elle a pourtant le mérite de mettre en valeur l'importance fondamentale de cette "partie du membre inférieur qui porte sur le sol et sert à marcher" dixit le petit Larousse.

Imprégnez-vous de cette définition. Pensez : pied. Vous en découvrirez les richesses infinies. Jacques Lacarière qui les a beaucoup utilisés (ses pieds), commence la préface de son livre "Chemin faisant", par cette petite phrase si élogieuse : "Avant tout, je chanterai les pieds". C'est alors qu'il les analyse amoureusement, scientifiquement; "Ils nous portent et nous les portons", remarque-t-il. Grossièrement, ils comprennent une cheville, un cou, une plante des doigts. Plus scientifiquement, ils sont composés de l'astragale, du calcanéum, du tarse, du métatarse, des phalanges et encore du cuboïde, du scaphoïde et des cunciformes.

Ça fait du monde tout cela ! Ce qui lui fait dire "aussi ne me sentais-je jamais seul quand je marchais avec mes pieds". En effet, ils sont les compagnons indispensables et inévitables du marcheur. Mais celui-ci entretient avec ses pieds des rapports multiples et variés. Car la marche a plusieurs aspects : moyen pédestre de se rendre d'un lieu à un autre, elle peut être le prétexte à un exercice forcené, un sport exténuant ou au contraire à une activité "cool" : la marche buissonnière, celle que j'aime. Selon l'exercice choisi, les pieds prennent une dimension toute différente. Le marcheur du type sportif, randonneur ou fantassin en prendra soin pour la seule raison qu'il en a besoin. Il préviendra les ampoules, se massera les pieds et sera toujours à l'affût d'un truc miracle pour les garder en bon état. Ainsi ai-je entendu dire qu'un œuf cru (jaune+blanc) cassé au fond de la chaussette enveloppe le pied d'une couche moelleuse qui évite tout frottement et toute ampoule. Je n'ai encore jamais expérimenté la volupté que procure le blanc d'œuf entre les orteils mais peut-être ai-je un a priori stupide devant une pratique trop visqueuse à mon goût. Ainsi donc, le marcheur forcené entretien de simples rapports de marchandage avec ses pieds : "je les soigne pour qu'ils me portent" vite et loin.

 

Le pied c'est la liberté et vice versa

 

Mais le pied peut prendre une dimension méditative si l'on prend conscience des bienfaits infinis qu'il nous apporte. A pied on peut passer partout. On porte notre liberté au bout des pieds. Non seulement, on se déplace mais leur bienfaits vont plus loin encore car la marche apporte souvent la sérénité, le repos de l'âme. Lorsque l'on marche, si l'on est bien dans ses pompes, on est bien dans sa tête. Ce qui fait dire à Jean-Noël Gurgand sur les chemins de Compostelle "je crois bien que la marche est un exercice qui mobilise toute la tête". Surtout si celle-ci est engagée dans un but de mortification où chaque nouveau pas, chaque nouveau virage, chaque nouvel horizon est une promesse de salut. Les pèlerins de St Jacques entretenaient des rapports particuliers avec leurs pieds, douloureux instruments de leur rédemption. Leurs chants en parlent et les registres mentionnent des formules de soin : frictions de salsepareille ou de feuilles de ronce en infusion, application sur les chevilles enflées d'extrait de bulbes d'iris. Ainsi ils cherchaient leur salut "à la sueur de leurs pieds". Un pèlerinage sans ampoule, c'est une balade. Ça ne vaut pas.

Si vous n'êtes pas encore convaincu de l'importance capitale de vos pieds, j'attirerai votre attention sur la place qu'ils occupent dans les expressions françaises. D'abord ils traduisent notre humeur : "taper du pied", "se lever du pied gauche", "donner des coups de pied", ou "prendre son pied". Dans ce dernier cas, le pied consacre même l'évolution du vocabulaire d'une époque, la nôtre.

La santé passe également par les pieds : si vous avez "bon pied, bon œil", c'est que vous n'avez pas "un pied dans la tombe" et que vous "allez d'un bon pied". En un mot vous êtes "sur pied", encore faut-il qu'ils ne soient ni bots, ni plats, ni palmés.

Dans beaucoup d'expressions, le pied partage la place de choix avec l'autre extrémité du corps humain : la tête. "De pied en cape", "de la tête aux pieds". Mais chaque extrémité a ses besoins propres : "tête à l'ombre et pieds au soleil".

Dans d'autres formules, l'importance du pied est caractérisée par le fait qu'il est le point de contact entre nous et le sol : "avoir pied", "retomber sur ses pieds", "couper l'herbe sous les pieds", "être de plain-pied", "pied à terre", "ne plus savoir sur quel pied danser", ce qui nous arrive quand on vous fait un "pied de nez", ou que l'on vous traite de "va-nu-pieds", de "pieds nickelés". Vous regretterez alors de n'avoir pas "trouvé chaussure à votre pied", car le pied à ses aises et exige un confort et une mobilité absolue. Mais le pied est parfois mis sur un "piédestal" puisqu'il exige un valet (de pied), lequel "se jettera à vos pieds" pour que vous ne vous "fouliez pas au pied" ! Bon, j'arrête.

Le pied a aussi été retenu de préférence à toute autre partie de notre anatomie pour mesurer. Il mesure la poésie, où il signifie chaque séquence phonique d'un vers dans la métrique ancienne. Pour mesurer une longueur : le pied chez les anciens mesurait 33cm. Avec les Anglo-Saxons, toujours plus près de la nature que de la simplicité en matière de mesure, il ne fait plus que 12 pouces soit 304,8mm. Quant au pied géométrique, il ne définit plus une longueur mais plutôt un point : celui de la rencontre d'une perpendiculaire avec la ligne ou la surface sur laquelle elle est abaissée. C'est donc dans ce sens, légèrement vulgarisé que l'on dit "au pied de la voie" par exemple.

Après la mesure, le sexisme vient se loger jusque dans les pieds. Il est de bon ton pour une jeune fille de ne pas chausser du 46 (fillette) si elle veut éviter les sarcasmes. Mais parfois c'est le prix à payer pour jouir d'une éternelle célébrité : rappelez-vous Berthe-aux-grands-pieds.

Mais si l'esthétique vous importe plus que la célébrité cela vous amusera d'apprendre que le pied idéal pour les Grecs a le second orteil plus long que tous les autres, alors que les Égyptiens tenaient beaucoup à ce qu'il y ait un dégradé harmonieux du plus gros au plus petit.

Quant aux Italiens, représentés en la personne de Léonard de Vinci, ils s'attachaient surtout aux proportions du pied par rapport à la jambe. "Le pied, de l'orteil au talon est contenu deux fois dans l'espace qui va du talon au genou, c'est à dire là où l'os de la jambe rejoint celui de la cuisse." Inutile donc de vous atrophier les pieds comme le faisaient les Chinoises. Cette pratique est d'autant plus surprenante que la médecine chinoise s'est beaucoup penchée sur le pied.

 

La santé par le pied

 

Les Chinois ont découvert (et paraît-il les Égyptiens avant eux) que tout notre corps se trouve projeté en miniature au niveau du pied et que lorsqu'un l'organe souffre, le point correspondant du pied souffre aussi. Et que l'on peut par un massage d'un point précis du pied soulager ou stimuler à distance l'organe auquel il est relié. Tel est le principe de la réflexologie. C'est en quelque sorte une acupuncture sans aiguille. Vous avez la gueule de bois ? Massez-vous la base de l'ongle du quatrième orteil. En Chine, ce point s'appelle "paiement cruel".

En fait, on peut diviser la surface plantaire en trois parties : le côté orteil contient la tête et le buste ; la partie médiane correspond au tronc (vésicule, pancréas, estomac vessie). Le talon concerne les organes génitaux, le bassin et aussi la croissance des tissus ainsi que la formation des os. La meilleure façon de masser l'ensemble du pied est de faire rouler une balle entre la plante du pied et un plancher dur en insistant sur les parties où sont projetés les organes dont vous souffrez. A vos balles, prêt, partez !... d'un bon pied !

 

Pour en finir avec le pied, je ne saurais trop vous conseiller de l'utiliser, le soigner et le louer le plus souvent possible ! Mettez un pied devant l'autre, faites du pied, prenez votre pied, ou mettez tous les deux dans le plat, votre moral et votre physique en dépendent. Car n'oubliez pas la médecine chinoise : "Tout est dans le pied et réciproquement".

Pieds nus

 

Laissez moi vous présenter les biens faits que cela procure: les pieds regorgent de terminaisons nerveuses. Celles-ci vont être activées lorsque l’on marche pieds nus. Ainsi mise en contact avec le sol, la voûte plantaire bénéficie d’une sorte de massage naturel. Un massage relaxant qui va améliorer notre bien-être et au delà,notre santé. Une marche naturelle retrouvée. En marchant avec des chaussures, non seulement nous compressons nos pieds, mais nous ne respectons pas non plus la physiologie naturelle de la marche. Normalement, nous devrions dérouler notre pied de la manière suivante : talon, plante de pied, pointe. Or, avec des chaussures, nous déroulons notre pied directement du talon à la pointe, sans passer par l’étape intermédiaire. Cela limite grandement les mouvements du pied. Lorsque nous marchons pieds nus, au contraire, nous faisons travailler tous les muscles et articulations du pied.

Marcher pieds nus sur une surface plate :

- tonifie les muscles des pieds, le bas du dos, les muscles des jambes, et des articulations des genoux ;

- stimule le fonctionnement d’une partie du gros intestin et de l’intestin grêle, améliore la digestion ;

- stimule le fonctionnement du foie ;

- tonifie le fonctionnement des organes respiratoires ;

- diminue la fatigue musculaire des épaules, du cou et des bras ;

- rend la glande thyroïde plus efficace ;

- active et supporte le bon fonctionnement des yeux, des sinus, des oreilles, des nerfs crâniens, par correspondance des zones des orteils avec la tête.

 

Marcher pieds nus sur sol irrégulier :

Marcher pieds nus sur un terrain irrégulier active la perception et stimule toute la surface des plantes des pieds ainsi que le sommet de la voûte plantaire, partie très innervée et la plus sensible (pour la majorité des personnes) de tout le corps. De plus, chaque pas sur un terrain inégal demande de contre balancer les irrégularités du sol, ce qui permet l’activation de toutes les zones réflexes des plantes des pieds. À la palette des zones réflexes activées par la marche pieds nus sur terrain plat, la marche sur un sol irrégulier en stimule d’autres. Les effets supplémentaires concernent le bon fonctionnement :

- du gros intestin et du transit intestinal ;

- de l’intestin grêle et de l’assimilation des aliments ;

- de la rate, organe important pour un système immunitaire efficace

- du pancréas, pour assurer une bonne digestion ;

- des reins qui se chargent de l’élimination des toxines ;

- du coeur (pied gauche uniquement) ;

- de la colonne vertébrale, pour une plus grande souplesse du sacrum aux vertèbres cervicales

Elsa et Manu - Chemin de Compostelle 9/20

Revue Weleda n°80
Revue Weleda n°80